Une croissance reposant sur les IDE et les exportations générées par ceux-ci
La croissance devrait légèrement se tasser en 2026, mais conserver un niveau modéré, toujours inférieur aux niveaux pré-covid (7-8%). La dynamique économique repose largement sur les investissements directs étrangers (5% du PIB en 2024), venant principalement de Chine, de Thaïlande et du Vietnam. Ces pays ciblent principalement l’hydroélectricité, les renouvelables, le réseau électrique, les mines et les infrastructures. Ainsi, la construction et le financement chinois de la ligne ferroviaire Laos-Chine, inaugurée en 2021, a révolutionné les transports. Cependant, les doutes sur la capacité du pays à faire face à sa dette, le manque de main d’œuvre qualifiée, ainsi que l’obligation de rapatrier une part plus importante des devises issues des exportations, pourraient peser sur la confiance des investisseurs étrangers. Parallèlement, l’investissement public (routes, ponts, barrages et réseau électrique) joue un rôle essentiel pour attirer les IDE. Toutefois, la consolidation budgétaire contraint la dépense publique. Enfin, l’accès limité au crédit pour les entreprises locales, freine l’investissement domestique, même si la stabilisation du kip réduit le coût des importations de produits intermédiaires et d’équipements.
Les services représentent plus de 40% du PIB et sont dominés par le tourisme étranger (plus de 3% du PIB chaque année), le transport et la logistique. Le tourisme, alimenté principalement par les pays voisins, a bénéficié de la campagne « Visit Laos Year 2024 » et d’une meilleure connectivité avec l’extérieur. Les arrivées de touristes devraient retrouver d’ici 2026 leur niveau pré-Covid. La contribution des échanges extérieurs sera encore positive. Les exportations de ressources naturelles contribuent à dynamiser l’économie. Les investissements chinois ont permis de fortement augmenter les exportations d’électricité (15% des exportations totales en 2024).
L’un des défis majeurs reste la lutte contre l’inflation. Après avoir atteint un niveau exceptionnellement élevé (31% en 2023), elle est passée sous la barre des 10% en 2025, et devrait continuer de diminuer en 2026. L’inflation importée s’est réduite en raison de la baisse des prix mondiaux des produits alimentaires et énergétiques, amplifiée par la nette diminution de la dépréciation du kip. De plus, la Chine, à la recherche de marchés alternatifs, a augmenté ses ventes en Asie du Sud-Est, tout en réduisant ses prix. La banque centrale a abaissé son taux d’intérêt à 9% en août 2025 contre 10,5% un an auparavant. Toutefois, du fait de la dollarisation de l’économie, elle privilégie le maniement des réserves obligatoires et les opérations d’« open market » pour réguler la quantité de monnaie disponible. La désinflation conduit à une légère relance de la consommation des ménages qui reste atone du fait de la politique économique restrictive.
Une dette écrasante, frein aux dépenses publiques
L’excédent budgétaire primaire (c-à-d hors intérêts) dégagé depuis 2022, grâce à la politique restrictive, a permis de réduire le poids de l’endettement. Celui-ci n’en demeure pas moins considérable. La dette est majoritairement extérieure (plus de 50% auprès de la Chine) et principalement libellée en dollars américains. Le surendettement du Laos est lié à 35 projets chinois recensés depuis 2010. La Chine octroie régulièrement des reports d’échéances de remboursement afin d’éviter un défaut de paiement. En cas de non-respect des obligations liées à la dette, le créancier chinois peut se voir attribuer la concession de l’exploitation de l’infrastructure concernée. Ainsi, l’entreprise publique Electricité du Laos (EDL), représentant près de 45% de la dette publique totale, a été contrainte de conclure un accord de concession de 25 ans avec China Southern Power Grid, créant ainsi la coentreprise Electricité du Laos Transmission Company Limited. Cet accord transmet à la société chinoise la gestion et le contrôle d’EDL Cela fut nécessaire dans un contexte de sous-tarification de l’électricité sur le marché domestique. Le service de la dette contraint les autres dépenses publiques, particulièrement dans l’éducation et la santé. Les dépenses dans ces secteurs ne représentaient plus que 11,3% du PIB en 2024. Par ailleurs, le budget consacré à la maintenance des infrastructures routières constitue le tiers de ce qui est nécessaire, alors que le trafic routier transfrontalier augmente. Outre les aménagements de dette accordés par la Chine, l’Etat se finance surtout par l’émission de titres en devises ou kip auprès des banques locales.
La dépendance envers la Chine peut expliquer que le Laos soit l’un des pays les plus visés par les droits de douane américains (40%). Cependant, les exportations vers les Etats-Unis ne constituent qu’1,6% du total. L’impact serait donc indirect via l’exposition de ses partenaires commerciaux. La balance commerciale restera nettement excédentaire. En 2024, l’électricité représentait la plus grande partie des exportations (21,3% du total). Le Laos entreprend de devenir la « pile de l’Asie du Sud-Est ». D’ici 2030, le Vietnam voudrait importer environ 5,000 MW d’électricité du Laos, ce qui représenterait ¼ de ce que la Laos a prévu d’exporter. Viennent ensuite les minerais, l’électronique (en plein essor) et l’habillement. L’excédent commercial s’ajoute à celui des services portés par le tourisme. Avec les remises d’expatriés, même stagnantes, en provenance de Thaïlande, et les IDE, ces excédents devraient plus que compenser les intérêts et dividendes payés aux investisseurs étrangers, ainsi que les échéances de remboursement de la dette allégées par les reports accordés par la Chine. Cela contribue à l’augmentation des réserves de change, qui restent limitées, couvrant à fin juin 2025 3,2 mois d’importations.
Entre stabilité politique interne et dépendance extérieure
Le Laos est dirigé par le parti unique au pouvoir depuis la chute de la monarchie en 1975 : le Parti révolutionnaire populaire lao (PRPL). Le secrétaire général du parti et président de la République, Thongloun Sisoulith, concentre une grande partie de l’autorité, tandis que l’Assemblée nationale joue surtout un rôle d’enregistrement des décisions du PRPL. Les élections législatives de février 2026 n’auront pas d’impact. L’absence de liberté d’expression et de presse ne permet pas la présence d’une opposition organisée. Le gouvernement est critiqué par la communauté internationale pour sa répression des opposants politiques, notamment des membres de la minorité Hmong. Toutefois, depuis 2022, avec la montée de l’inflation, les députés osent de plus en plus prendre la parole. Mais les critiques restent rares. La stabilité politique est mise en avant par le régime comme un atout pour attirer les investissements étrangers. Néanmoins, les faibles rémunérations, la corruption, les inégalités régionales, les déplacements forcés liés aux grands projets d’infrastructure et les pratiques minières et agricoles agressives des investisseurs étrangers, demeurent des sources de mécontentement.
Sur le plan extérieur, en tant que pays enclavé, le Laos entretient des relations étroites avec le Vietnam, la Thaïlande et la Chine, ses voisins les plus puissants dont il dépend. Il est intégré dans les organisations régionales (ASEAN depuis 1997) et internationales (OMC depuis 2013) ce qui lui permet d’affirmer son non-alignement et sa volonté de coopération. Ses terres arables, sa main d’œuvre et son électricité issue des barrages sont à portée de ses voisins, notamment de la Chine qui joue un rôle prédominant à travers ses investissements massifs, sa position de première créancière et son contrôle de l’amont du fleuve Mékong. Cette relation asymétrique entre la Chine et le Laos réduit la marge de manœuvre financière et politique laotienne et soulève des questions de souveraineté. Par ailleurs, le Laos dépend aussi de l’aide internationale qui tend à baisser avec les politiques intérieures répressives