Atterrissage en douceur en vue, mais pas encore abouti
Malgré une inflation encore élevée et un cycle de resserrement monétaire agressif, l’activité a été solide en 2023. La consommation des ménages et la dépense publique ont notamment porté la croissance. En 2024, la croissance devrait fléchir, les effets de la politique monétaire restrictive persistant, et même s’intensifiant parfois. La hausse des impayés sur les prêts automobiles et les cartes de crédit témoigne, par exemple, de ces effets sur le consommateur. En conséquence, la contribution de la dépense des ménages devrait s’affaiblir, d’autant que le soutien du stock d’épargne excessive accumulé pendant la pandémie, largement entamé, devrait également s’amenuiser. Toutefois, la dépense des ménages devrait rester portée par la progression des revenus, grâce à un marché de l’emploi résilient (taux de chômage à 3,7% fin 2023). Les revenus réels devraient également bénéficier de la modération de l’inflation. Après un repli marqué à 3,4 % en glissement annuel à la fin de l’année 2023 depuis le pic de 9,1% atteint mi-2022, l’inflation devrait converger plus lentement vers la cible de 2 % de la Réserve fédérale (Fed). Elle devrait donc se montrer prudente avant d’abaisser la fourchette cible de ses taux, actuellement à 5,25%-5,50%, le niveau le plus élevé depuis 2001. La progression vers la cible d’inflation et la modération de l’activité attendue devrait néanmoins permettre à la Fed d’entamer un cycle de baisse en milieu d’année. Ces baisses de taux stimuleraient alors l’investissement résidentiel au second semestre. Les conditions financières resteront néanmoins restrictives en 2024, pesant sur la dépense des entreprises. Les incitations à l’investissement dans les énergies propres et les semiconducteurs devraient toutefois continuer à maintenir leurs investissements à flot. Porteuse en 2023, la dépense publique s’annonce plus prudente cette année. La hausse des charges d'intérêts sur la dette et les divergences de vue sur la politique fiscale à Washington, surtout en année électorale, limiteront les dépenses fédérales. Les Etats et collectivités locales continueront en revanche d’exécuter les programmes d’investissement fédéraux, dont celui en infrastructure, maintenant ainsi une contribution positive de la dépense publique. La surprenante impulsion des exportations nettes à l’activité en 2023 devrait s’essouffler, pâtissant des effets retardés d’un dollar fort.
Stabilisation du déficit budgétaire à un niveau élevé
La baisse des recettes publiques, après une croissance atypique au cours de l’exercice précédent, et la hausse du service de la dette ont contribué à creuser le déficit en 2022/23. Au cours de l’exercice budgétaire en cours, il devrait se réduire de nouveau, restant toutefois bien supérieur aux déficits enregistrés avant la crise de la COVID-19. En vertu du Fiscal Responsibility Act de juin 2023, qui a permis de mettre fin à la crise du plafond de la dette, les dépenses discrétionnaires non consacrées à la défense resteraient ainsi inchangés. De plus, un Congrès divisé devrait également entraver le passage de législation d’ampleur, limitant les nouvelles dépenses. Celles associées à la sécurité sociale et aux programmes Medicare et Medicaid continueront toutefois d’être tirées par les départs à la retraite des baby-boomers. De plus, compte tenu du contexte international, les aides à Israël et à l’Ukraine pourraient être revues à la hausse. Les charges d’intérêts, qui ont atteint 2,5% du PIB en 2023 (1,6% en 2020), continueront également de peser. Bien que le fardeau de la dette soit lourd, les autorités restent en mesure de faire face à leurs obligations financières, le pays bénéficiant d’une souplesse de financement sans équivalent grâce à son statut d’émetteur de l’USD, la principale monnaie de réserve mondiale. L'accord de dernière minute pour relever le plafond de la dette en 2023, et ainsi éviter un défaut, a toutefois démontré que la politisation de la limite de la dette constitue un écueil récurrent. Il s’agit de l’un des risques cités par Fitch pour justifier la dégradation à AA+ de la note de crédit de la dette américaine en août 2023.
En 2023, le déficit courant restera important, principalement alimenté par celui, structurel, de la balance des marchandises (3,9 % du PIB en 2023). Il devrait toutefois se modérer, les importations de marchandises ralentissant en même temps que la demande domestique. Les nouvelles capacités de production de gaz naturel liquéfié soutiendront les exportations, notamment vers l’Europe. Après avoir connu d’importants mouvements liés aux disruptions des services de transport au cours des dernières années, l’excédent du compte des services devraient rester stables autour de 1 % du PIB. Le solde positif des revenus primaires (0,7 % du PIB) devrait légèrement s’améliorer, les recettes d’intérêts et de dépôts sur les actifs américains à l’étranger augmentant. Les transferts au titre de la coopération internationale et les envois de fonds à l’étranger maintiendront le solde des transferts en déficit (autour de 0,6% du PIB). L’attractivité des actifs américains et de l’USD génère des investissements en portefeuille (bons du Trésor, actions…) permettant de financer le déficit.
Elections 2024 dans un contexte domestique et international sous haute tension
Le démocrate Joe Biden est devenu président en janvier 2021, après une transition tumultueuse, marquée par l’assaut du Capitole, le 6 janvier, par des partisans de son prédécesseur, le républicain Donald Trump. Sauf surprise majeur, les élections de novembre 2024 s’annoncent comme un nouveau duel entre les deux derniers présidents. En dépit des questions entourant son âge et son état de santé, Joe Biden demeure l’alternative la plus crédible côté Démocrate. Côté Républicains, Donald Trump aborde les primaires avec un confortable avantage dans les sondages. Les nombreuses procédures judiciaires à son encontre, notamment pour son rôle dans les évènements du 6 janvier 2021, ne devraient pas l’empêcher de se présenter, mais rythmeront la campagne. Les orientations politiques divergentes devraient alimenter l’incertitude dans une course présidentielle qui s’annonce serrée. Celles pour le contrôle de la Chambre des Représentant et du Sénat le seront également, et pourraient déboucher sur un Congrès divisé. Dans un contexte politique polarisé, les orientations politiques des candidats dessinent des perspectives divergentes en matière de politique domestique et extérieure.
Dans un environnement de compétition technologique accrue et alors que les tensions en mer de Chine restent fortes, la rivalité avec la Chine continue de dominer la politique étrangère américaine, et devrait rester une priorité quelque soit le résultat des élections de novembre. Parallèlement, la guerre en Ukraine a renforcé les efforts de l'administration Biden pour relancer la présence des États-Unis dans les institutions multilatérales et l’effort pour renouer avec les partenaires diplomatiques, sécuritaires et économiques, notamment en Europe, se distinguant de l’approche de son prédécesseur. Sous une administration Biden comme Trump, l'alliance de longue date avec Israël, en particulier dans le contexte de la guerre contre le Hamas, serait très probablement préservée.