Plafonnement du tourisme, la croissance s’essouffle
Après son fort rebond post-Covid, la croissance des Fidji a retrouvé, en 2024, son rythme antérieur. Elle repose toujours principalement sur le tourisme, qui représente 40 % du PIB, avec une clientèle majoritairement australienne (46 % des visiteurs), néo-zélandaise (23 %) et américaine (11 %). Ce secteur est revenu dès 2022 à son niveau pré-pandémique. Toutefois, les premiers signes de ralentissement observés au premier semestre 2025 devraient se confirmer au second semestre et en 2026. La pénurie de main-d’œuvre et les retards dans les projets d’infrastructures touristiques, dus à l’émigration et aux contraintes d’approvisionnement, limitent la capacité d’accueil.
Parallèlement, la hausse des droits de douane américains sur les produits fidjiens, annoncés à 32 % mais faisant l’objet de négociations, pourrait réduire les exportations vers les États-Unis, principal débouché (notamment pour l’eau minérale). Cependant, la hausse de l’investissement public annoncée dans le budget de 2026 devrait stimuler la croissance.
L’inflation a amorcé une décrue en 2025, en lien avec la dissipation de l’effet de la hausse de la TVA en 2024. L’appréciation du taux de change nominal et le recul des prix mondiaux de l’énergie et de l’alimentation contribue à la désinflation. Ceci et l’augmentation des salaires des fonctionnaires en 2025 stimulent la consommation des ménages qui représente en moyenne 70% du PIB.
Un budget expansionniste pour 2026
La crise du Covid a durement frappé l’économie fidjienne, en particulier son secteur touristique, resté sinistré de 2020 à 2022. La baisse des recettes fiscales et les mesures de soutien à l’économie ont creusé le déficit public. La dette publique est passée de 49 % du PIB en 2019 à 90 % en 2022. En 2024, l’augmentation des recettes fiscales – via la hausse de la TVA, de la taxe de départ (aéro)portuaire et du taux d’imposition sur les sociétés, ainsi que la suppression de certaines exonérations – a permis de réduire le déficit plus rapidement que prévu, à 3,5 % au lieu des 4,8 % annoncés. En 2025, l’investissement accru dans les infrastructures, la hausse des salaires des fonctionnaires et la baisse de la TVA sur 22 produits essentiels entraineront une remontée du déficit.
Pour l’année fiscale 2026, une nouvelle hausse du déficit est annoncée. Un vaste plan d’investissement comprend la rénovation de routes, ponts et jetées, la construction d’abris bus et de passages piétons. Quatre ponts seront rénovés pour un coût total de 400 millions de dollars, financés par des prêts de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement. Des travaux sont également prévus pour réparer les canalisations et améliorer le traitement de l’eau. Une augmentation de 11 % du budget des travaux publics (83 millions de dollars) est prévue. Parallèlement, la TVA sera abaissée de 15 % à 12,5 %, et restera à 0 % sur certains produits pour lutter contre l’inflation. La dette publique restera donc élevée, avec un poids dans le PIB qui devrait se stabiliser autour de 80 % dans les années à venir. La maturité longue de la dette (11,7 ans en moyenne), le fait qu’elle soit à 62% domestique, et que le solde soit détenue par des partenaires bilatéraux et multilatéraux, majoritairement sous la forme de prêts concessionnels, modère le risque souverain.
En raison de son insularité, de son isolement géographique et du faible développement industriel, la balance commerciale des Fidji est structurellement très déficitaire : 30 % du PIB en 2024. L’excédent de la balance des services (20 % du PIB), essentiellement lié au tourisme, et les transferts de fonds de la diaspora ne suffisent pas à compenser le déficit commercial. La balance courante reste donc très déficitaire. Ce déficit est financé par l’excédent du compte financier, qui reflète des entrées nettes de capitaux (6,6 % du PIB en 2024). Ces flux incluent des investissements directs étrangers (IDE) modestes (1,6 % du PIB), le pays peinant à attirer les investisseurs étrangers en raison de pénuries de main-d’œuvre, des défaillances des infrastructures et de restrictions de changes, ainsi que des financements multilatéraux et bilatéraux (6,7 % du PIB).
Une démocratie en voie de stabilisation
Bien que les Fidji soient une démocratie parlementaire depuis leur indépendance en 1970, leur histoire politique a été marquée par une forte instabilité, avec quatre coups d’Etat entre 1987 et 2006, sur fond de tensions ethnoreligieuses entre communautés fidjiennes et indiennes. En 2013, la démocratie a été réaffirmée avec l’adoption d’une nouvelle constitution. Celle-ci, bien qu’elle confère encore à l’armée un pouvoir d’intervention dans les affaires intérieures et concentre les pouvoirs entre les mains de l’exécutif — ce qui explique en partie le souhait du Premier ministre de la réformer —constitue néanmoins une avancée vers l’instauration d’un véritable État de droit, en posant les bases d’un cadre institutionnel plus stable et en affirmant certains principes démocratiques fondamentaux. Après 16 ans de règne, Frank Bainimarama a dû céder la place de premier ministre à Sitiveni Rabuka à la suite des élections nationales de décembre 2022. Ce dernier est à la tête d'une coalition tripartite connue sous le nom de "Coalition populaire" et disposant d’une voie de majorité au Parlement (28 contre 27).
Depuis cette élection, les Fidji se sont rapprochées de l’Occident, notamment des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande, à travers la signature d’accords de coopération militaire, et de l’Australie avec un accord d’investissement et d’aide au développement. Elles ont aussi renoué avec le Commonwealth, en présentant des excuses officielles à la couronne britannique pour le coup d’État de 1987. Pour autant, elles n’ont pas rompu avec la Chine. Les relations avec Israël se sont également intensifiées.
Le maintien de relations diplomatiques solides avec les pays de la région reste essentiel. Si les Fidji jouent un rôle économique et logistique central pour les plus petits États insulaires du Pacifique, elles dépendent aussi de leurs grands voisins, notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande, où vit plus de 60 % de leur diaspora. Cette dernière bénéficie notamment de dispositifs de visas saisonniers. Conscientes de ces enjeux, les autorités ont réaffirmé leur engagement au sein des principales institutions régionales, telles que la Communauté du Pacifique et le Forum des îles du Pacifique.