Une croissance toujours soutenue par le tourisme
En 2025, la croissance ralentit légèrement, tout en demeurant soutenue par la robuste demande intérieure et le solide tourisme. La consommation privée, qui représente 72?% du PIB, continue de jouer un rôle central, bien que perdant de son élan sous l’effet d’une inflation en hausse (3,4?% en avril 2025), tirée, notamment, par l’alimentation et le logement. Néanmoins, le pouvoir d’achat des ménages a été renforcé par l’initiative «?Europe Now 2?», entrée en vigueur en octobre 2024, qui a porté le salaire minimum de 450 à 700?€ tout en réduisant les cotisations sociales. Le tourisme, secteur clé représentant 25?% du PIB, maintient sa contribution notable à l’activité, avec des arrivées de visiteurs étrangers toujours supérieures au niveau pré-Covid (+12?% en 2024 par rapport à 2019). Toutefois, la progression s’essouffle (+1?% entre 2023 et 2024), freinée par des contraintes d’infrastructures, de capacité et une pénurie de main-d’œuvre, malgré un taux de chômage toujours structurellement élevé (10?% en mars 2025), même si en baisse. Pour soutenir la dynamique touristique, plusieurs projets sont en cours, avec l’agrandissement du port prestigieux de Porto Montenegro et le développement continu du complexe de la marina de Lustica Bay.
Parallèlement, les investissements publics restent un levier essentiel de croissance, notamment dans les infrastructures et les énergies renouvelables, et bénéficient de financements internationaux. Ainsi, la construction du tronçon Mateševo – Andrijevica (22km pour un coût de EUR 600 millions) de l’autoroute devant relier Bar (côte adriatique) et Boljare (frontière serbe) profite d’un prêt de 200 millions d’euros accordé par la BERD en mars 2025, complété par une aide de 200 millions d’euros de la Commission européenne. Le pays continue également d’attirer des investissements directs étrangers, majoritairement dans l’immobilier (60?% des IDEs totaux), concentrés dans les zones côtières de Kotor, Budva et Tivat, avec un fort accent sur les segments résidentiel et touristique. Si les secteurs industriels restent sous-représentés et les IDEs dans le secteur bancaire ont chuté de plus de 13?% en 2024, l’intégration du pays à l’Espace Unique de Paiement en Euros (SEPA), en novembre 2024, renforce son attractivité pour les capitaux européens. Enfin, l’assouplissement de la politique monétaire de la BCE, combiné aux mesures de relance budgétaire, devraient favoriser une reprise progressive des investissements des entreprises locales et des ménages.
Les déficits jumeaux resteront sous tension
En 2024, le déficit budgétaire s’est nettement creusé sous l’impulsion d’une forte augmentation des dépenses pour soutenir l’activité. Le maintien de cette orientation budgétaire accentuera le déficit en 2025, avec des hausses de transferts sociaux, des investissements publics soutenus et une baisse des prélèvements obligatoires sur le travail. La trajectoire ascendante de la dette publique devrait se poursuivre, avec, à la clef, d’importants besoins de (re)financement. A 90 % externe et essentiellement en euros, la dette publique correspond pour 45 % à des Eurobonds, et pour 17% à un prêt de l’Eximbank chinoise, ayant permis de financer la construction du premier tronçon de l’autoroute entre Bar et la frontière serbe.
Sur le front extérieur, la balance courante devrait rester fortement déficitaire en 2025. Ce déficit est alimenté par une hausse soutenue des importations, sous l’effet conjugué de la progression des salaires, qui stimule la demande de biens importés, et des besoins accrus en électricité liés à la fermeture de sa centrale à charbon de Pljevlja (40% de la production électrique) depuis avril 2025, pour une durée minimale de sept mois. Les exportations restent limitées, avec une base productive peu diversifiée concentrée sur quelques produits (aluminium, bois, minerais) et marchés (principalement européens). La récente augmentation des droits de douane de 10?% imposée par les États-Unis n’aura pas d’impact direct sur le pays, mais pourrait avoir des effets indirects avec ses partenaires commerciaux majeurs (Serbie, Slovénie, Italie et Allemagne). L’excédent des services, porté majoritairement par le tourisme, ne compense qu’à moitié le déficit des échanges de biens, laissant l’important déficit courant structurel. Il est financé, côté public , par des Eurobonds, des prêts multilatéraux (BERD, Banque mondiale, BEI), ainsi que des financements bilatéraux européens. Côté privé, ce sont les IDE qui interviennent principalement, alors que l'endettement extérieur des banques et du secteur non financier monténégrins (environ 57% de la dette extérieure totale) n'augmente plus.
Une majorité élargie mais sous tension
Le Monténégro est dirigé depuis octobre 2023 par une coalition gouvernementale hétéroclite, pilotée par le parti centriste et pro-européen Europe Maintenant ! (PES), dont Milojko Spaji? occupe le poste de Premier ministre. À l’issue du remaniement en juillet 2024, la coalition s’est élargie à la Nouvelle démocratie serbe (NSD), au Parti démocratique du peuple (DPP) et au Parti bosniaque (BS), lui conférant une majorité élargie de 49 sièges sur 81 au Parlement, renforcée par des accords de soutien parlementaire avec de petits partis. Le gouvernement dispose donc d’une majorité des deux tiers, mais reste vulnérable aux tensions internes, du fait de profondes divergences idéologiques entre ses membres, notamment entre les partis pro-européens (comme le PES) et les formations pro-serbes et pro-russes (NSD, DPP). Le remaniement a également complexifié la gouvernance, en augmentant le nombre de ministres à plus de 30, alimentant les risques de blocages. Ce climat rend probable une dissolution du gouvernement actuel avant les élections législatives prévues en juin 2027. L’opposition, dominée par le Parti démocratique des socialistes (DPS), reste en tête dans les sondages depuis mi-2024, mais rencontrerait aussi des difficultés à former une majorité cohérente si elle arrivait au pouvoir.
Sur le plan institutionnel, le gouvernement continue de faire face à des critiques sur son efficacité, comme l’a illustré la gestion controversée de la fusillade de masse (12 morts) à Cetinje et Bajice en janvier 2025, qui a suscité des appels à la démission de hauts responsables, sans succès. Ces critiques s’ajoutent aux interrogations sur la gouvernance, encore mises en lumière par l’approbation accélérée par le Parlement de l’accord avec un investisseur émirati pour le développement touristique d’une partie encore sauvage de la côte, qui soulève des préoccupations sur le respect des normes européennes en matière de passage des marchés publics et d’environnement. Par ailleurs, le vote du budget pour 2025 n’a été possible qu’en février, retardé par des blocages autour de la nomination des juges à la Cour constitutionnelle. Malgré ces obstacles, le Premier ministre Spaji? maintient une ligne pro-UE ambitieuse, avec pour objectif une adhésion d’ici 2028. Le Monténégro (avec l’Albanie) demeure le pays des Balkans occidentaux le plus avancé dans le processus d’intégration à l’UE, mais son rythme de progression reste conditionné à la stabilité politique interne. La présence de partis nationalistes et confessionnels dans la coalition fait planer une incertitude sur la poursuite des réformes. Le pays continue de s’aligner sur les sanctions européennes contre la Russie, tout en maintenant des liens étroits avec la Serbie et l’influente Église orthodoxe serbe, ce qui peut limiter sa marge de manœuvre diplomatique et sociale.