Le programme de réformes et les pressions fiscales mettront le gouvernement à l'épreuve
Après l'effondrement de l'administration technocratique de Draghi en juillet 2022, une coalition de droite a remporté une victoire confortable (43 % des voix) lors des élections anticipées de septembre 2022. Le nouveau gouvernement est dirigé par Giorgia Meloni, dont le parti Fratelli d'Italia (FdI) a obtenu 26 % des voix. Elle est rejointe par Forza Italia (8 % des voix) et Lega Nord (9 %). Après une longue période de volatilité caractérisée par une série de coalitions instables, le FdI semble consolider le vote conservateur. Compte tenu de la faiblesse des partis centristes et progressistes (Partido Democratico et 5SM), du pragmatisme politique et de la bonne tenue de l'économie, le gouvernement Meloni a de bonnes chances d'exercer un mandat complet qui doit s'achever en 2027. Toutefois, si ces tendances ne se confirment pas et que le FdI perd une part importante de son soutien populaire, des élections anticipées deviendraient probables car le partenaire de la coalition et leader de la Lega, Matteo Salvini, serait incité à faire défection.
La forte dépendance à l'égard des fonds européens pour le financement des investissements incite fortement à se conformer à la conditionnalité de l'UE. Les efforts visant à améliorer l'environnement des entreprises par le biais de réformes structurelles, d'un assainissement budgétaire et d'investissements publics devraient se poursuivre. Néanmoins, l'inexpérience de la coalition au sein du gouvernement et les tendances populistes persistantes laissent place à la lenteur et aux erreurs politiques imprévues. C'est ce qui s'est passé avec la taxe exceptionnelle sur les banques, mal communiquée et par la suite édulcorée, qui a nui à la confiance des investisseurs. On s'attend à de nouveaux retards dans les décaissements du fonds NGEU, car les réformes clés (libéralisation du marché des taxis, évasion fiscale, efficacité du système judiciaire) seront politiquement difficiles à mettre en œuvre, ce qui crée un risque de détérioration budgétaire et macroéconomique. Les relations avec les partenaires de l'UE ont été plus collaboratives qu'initialement prévu. Un risque persistant et non négligeable de tensions concernant l'immigration et les questions fiscales subsistera, compte tenu notamment du fait que les règles fiscales de l'UE seront réactivées en 2024.
Les déficits jumeaux se réduisent, mais le risque de surendettement reste élevé
En 2024, le déficit fiscal devrait rester sur une trajectoire descendante, sous l’impulsion du redressement des recettes douanières et de transbordement qui accompagne le regain de l’activité portuaire et de fret. Toutefois, les dépenses publiques resteront élevées. Ces dernières seront tirées par des dépenses d’investissement en capital accrues. Aussi, le gouvernement poursuivra son soutien du pouvoir d’achat des ménages via des programmes de subventions alimentaires et énergétiques. Le service de la dette, ayant triplé pour atteindre environ 4 % du PIB en 2022, continuera à alimenter le déficit. Cette vive hausse du service de la dette a déjà entraîné une accumulation d'arriérés extérieurs, estimés à plus de 3 % du PIB en 2022, et continuera de grever les finances publiques. Le financement des infrastructures pèsera encore lourdement sur la dette publique extérieure, dont plus de la moitié est due à la Chine, faisant apparaitre un risque élevé de surendettement.
Le déficit courant devrait continuer de se réduire en 2024, en raison de l’amélioration de la situation extérieure favorable à la reprise des activités d’exportation . Malgré une hausse des importations en volume (principalement de pétrole, fertilisant et huile de palme), le déficit commercial (25,3% du PIB en 2022) s’atténuera, et la reprise des activités portuaires favorisera l’élargissement de l’excédent des services (14,8% du PIB en 2022). Les rapatriements de leurs bénéfices par les investisseurs étrangers continueront d’alimenter le déficit du compte des revenus. Le compte des transferts gardera son excédent, alimenté par la location des terrains des bases et installations militaires étrangères (notamment par la France et les Etats-Unis, la Chine et le Japon) visant à lutter contre les activités terroristes et la piraterie dans la région. Cependant, le surplus du compte des transferts se réduira légèrement à mesure que l’aide extérieure diminue, dans le contexte de la guerre en Ukraine et d’un ralentissement économique mondial. Par ailleurs, les réserves de change devraient se maintenir à l’équivalent d’environ 3 mois d’importations sur 2023-24, et seront supportées par l’arrimage de la monnaie djiboutienne au dollar américain.
Une stabilité politique et sociale relative
Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, a obtenu un cinquième mandat en remportant l’élection présidentielle en 2021 avec plus de 97% des voix, dans un scrutin boycotté par une large partie de l’opposition. La pauvreté généralisée (16,3 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022), est accrue par une large population de réfugiés affluant depuis les pays voisins (Somalie, Ethiopie, Yémen, Erythrée), mais aussi par la crise alimentaire amplifiée par les pressions inflationnistes persistantes, et la sécheresse dans la Corne de l’Afrique. Dans ce contexte, la grogne populaire pourrait s’intensifier, mais la mainmise du gouvernement dissuade toutes formes de contestations d’ampleur. Le gouvernement poursuivra la mise en œuvre du plan de développement Vision 2035, qui a pour objectif de tripler le revenu par tête et d’améliorer les indicateurs de développement humain et social. L’environnement des affaires reste médiocre, souffrant notamment de la faiblesse de la gouvernance et de la corruption (130ème sur 180 en 2022, d’après Transparency International). Sur le plan international, les tensions avec les EAU sont entretenues par la persistance du litige entre Djibouti et DP World, détenu par l’émirat de Dubaï. En 2018, le pays avait résilié unilatéralement la concession du terminal à conteneurs de Doraleh au profit de l’opérateur portuaire China Merchants Port Holdings, renforçant ainsi les relations avec la Chine, premier partenaire économique de Djibouti.