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Faillite d’entreprise : causes et solutions

C’est un terme aussi redouté en entreprise que le mot « naufrage » l’est sur un bateau : la faillite peut signifier la fin de l’aventure pour le dirigeant et mettre sur la touche l’ensemble de ses salariés par la même occasion. La faillite d’une entreprise ne signifie pas forcément la fin de l’aventure. Elle peut conduire à un sursaut, une restructuration bénéfique de l’activité et représenter une opportunité de prendre une nouvelle direction. Quelle réalité recouvre la notion de faillite ? Quelles en sont les conséquences ? Comment réagir au mieux ?

Qu’est-ce que la faillite d’entreprise ?

En droit français, le terme « faillite » n’est plus utilisé officiellement : on lui préfère la notion de liquidation judiciaire, telle qu’inscrite dans le Code de commerce, qui peut être prononcée lors de la constatation de difficultés irrémédiables ou après une période de redressement judiciaire infructueux.

La notion de faillite désigne en réalité une situation dans laquelle l’entreprise se trouve en état de cessation de paiement : elle est dans l’incapacité de régler ses dettes exigibles au moyen de son actif disponible. Dès qu’il prend connaissance de cet état de fait, le chef d’entreprise est tenu de déposer une déclaration de cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de commerce.

Ce dépôt entraîne l’ouverture d’une procédure collective, soit de redressement si les autorités compétentes estiment que le retour à une situation de rentabilité est possible à court ou moyen terme, soit de liquidation judiciaire immédiate. Un mandataire judiciaire et éventuellement un administrateur judiciaire sont alors désignés pour encadrer la suite des opérations.

De multiples causes, souvent combinées, conduisent à la faillite

La faillite d’une entreprise ne survient jamais sans signes avant-coureurs. Elle est généralement le fruit d’un faisceau de facteurs, internes comme externes, que le responsable financier doit être en mesure de détecter au moyen de divers indicateurs : trésorerie nette, fonds de roulement, ratio de liquidité etc.

Certaines causes relèvent en effet directement de la gestion stratégique et opérationnelle de l’entreprise. Une mauvaise maîtrise des coûts, un pilotage approximatif de la trésorerie, des choix stratégiques mal calibrés ou un endettement excessif et l’absence de recouvrement de créances peuvent, à terme, nuire à la santé financière de la structure. Parfois, ce sont des conflits entre associés, une perte de contrôle du développement ou une mauvaise anticipation du marché qui précipitent les difficultés.

Il existe également des facteurs de risque externes : une conjoncture économique défavorable, la flambée des prix de l’énergie ou un événement géopolitique comme la récente politique américaine liée aux droits de douane, peuvent impacter - parfois fortement - la capacité de l’entreprise à vendre sa production de manière rentable. Ajoutons à cela la possibilité de perte d’un client majeur, ou de subir un changement réglementaire, évènements tout aussi capables de fragiliser un modèle économique jusque-là viable.

Dans la plupart des cas, plusieurs de ces facteurs se combinent et rendent le redressement difficile si les difficultés sont constatées tardivement.

5 étapes pour bien réagir à une situation de faillite

Lorsqu’une entreprise entre dans une spirale d’insolvabilité, la faillite ne survient pas du jour au lendemain. Après le constat des difficultés, le cheminement à suivre est balisé par la loi et encadré par les juridictions administratives, avec des étapes précises visant à organiser la cessation d’activité ou le redressement, tout en protégeant les droits des créanciers.

1- Constat de la cessation des paiements

Tout commence par le constat d’une impossibilité manifeste de faire face à une dette exigible avec l’actif disponible, que le Code de commerce désigne comme l’état de cessation des paiements. Dès qu’il en a connaissance, le chef d’entreprise doit en informer le tribunal de commerce dans les 45 jours.

Un formulaire Cerfa est alors à remplir, dont l’envoi doit être accompagné d’un dossier complet comprenant les documents d’identification de l’entreprise (extrait Kbis) et de ses dirigeants, un état du bilan précisant le montant précis des dettes, l’état des sûretés, privilèges et engagements hors bilan ou encore, un descriptif de la situation de trésorerie.

2- Demande d’ouverture de la procédure collective

Muni de ces pièces, le tribunal est alors en mesure d’examiner la situation de l’entreprise et peut décider d’ouvrir une procédure :

  • De redressement judiciaire, s’il estime que la survie de l’entreprise et son retour à un état financier rentable est envisageable.
  • De liquidation judiciaire, qui entraîne l’arrêt complet de l’activité de l’entreprise, ainsi que la nomination d’un liquidateur pour régler autant de dettes que possible.

Quelle qu’elle soit, la décision prise est formalisée par un jugement d’ouverture publié au BODACC, et s’accompagne de la nomination des organes et intervenants de la procédure :

  • un juge-commissaire, chargé de superviser le bon déroulement de la procédure ;
  • un mandataire judiciaire pour représenter les créanciers ;
  • un administrateur judiciaire, si nécessaire, pour assister ou remplacer le dirigeant dans la gestion de l’entreprise.

3- Période d’observation

Si le redressement judiciaire est l’option choisie, l’entreprise entre dans une période d'observation, généralement pour six mois. Le gérant et ses éventuels accompagnants sont alors chargés de dresser un bilan économique, social et financier de la société, en vue d’élaborer un plan de redressement.

Durant cette période charnière, les créances antérieures sont gelées. Précisons que pour espérer recouvrer leur dû, par le redressement des finances de l’entreprise ou après sa liquidation si celle-ci est finalement décrétée, les créanciers doivent déclarer leurs créances impayées auprès du mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement. Le mandataire judiciaire est l’interlocuteur clé dans cette phase d’observation.

4- Élaboration d’un plan de redressement, ou décision de liquidation

Un nouvel examen par le tribunal a lieu à l’issue de la période d’observation, laquelle démontre -les efforts de l’entreprise pour rétablir sa solvabilité. Si la situation semble connaître une embellie suffisante, un plan de redressement est proposé, prévoyant le remboursement échelonné des dettes, souvent sur 5 à 10 ans, ainsi que des mesures de restructuration. S’il est validé par le juge, ce plan permet à l’entreprise de poursuivre son activité sous surveillance durant une période donnée.

En revanche, si aucune solution de pérennisation n’est trouvée, l’entreprise entre en liquidation judiciaire. Le liquidateur, souvent le mandataire lui-même, procède alors à la cession des actifs et à la clôture des contrats, dans l’objectif de rembourser au moins partiellement les créanciers.

5- Clôture de la procédure

Une fois l'ensemble des biens vendus et les créances réparties selon leur ordre de priorité (salaires, URSSAF, Caisses de retraites, Trésor Public, puis créanciers chirographaires(1)), la procédure peut être clôturée pour insuffisance d’actif, ou après extinction du passif.

Ce moment met fin à l’existence légale de la personne morale, et le dirigeant est alors libéré de ses obligations, sauf s’il a commis une faute de gestion susceptible d’engager sa responsabilité et d’entraîner, par exemple, une interdiction de gestion (définitive ou le plus souvent, pour une durée déterminée).


Si vous êtes confronté à la faillite d’un client

Une fois la liquidation judiciaire engagée, les créanciers ont deux mois pour déclarer leurs créances, à compter de la publication de l'ouverture de la liquidation au BODACC.

Le liquidateur est alors chargé de régulariser les dettes grâce aux liquidités restantes et en vendant les actifs de l’entreprise. Après avoir remboursé les dettes prioritaires (salaires en retard, URSSAF, etc.), il rembourse les autres créanciers dans la mesure du possible : dans la majorité des cas, les actifs ne suffisent pas à solder toutes les dettes et un créancier peut n’être remboursé qu’en partie, voire pas du tout. Pour optimiser vos chances, le plus important est donc la déclaration dans les deux mois.


 

La clé de la survie : l’anticipation

Être à la tête d’une société en péril est autant une épreuve morale qu’économique pour un dirigeant. Pourtant, la faillite n’est pas toujours synonyme de fin, ni de faute. En s’y prenant suffisamment tôt, le chef d’entreprise peut actionner plusieurs leviers pour tenter un redressement ou, à défaut, limiter les répercussions personnelles de cette situation.

Si les difficultés sont anticipées suffisamment tôt, le chef d’entreprise peut solliciter une procédure de sauvegarde. Elle suppose l’absence d’une situation de cessation des paiements, et permet de geler les dettes, tout en conservant la main sur la gestion. Il existe également une procédure de conciliation, qui vise à rechercher un accord amiable avec les créanciers avant que la situation ne s’aggrave. Enfin, si l’entreprise est encore en mesure d’honorer ses dettes, une liquidation amiable peut être envisagée, permettant une fermeture plus douce et plus maîtrisée que la liquidation judiciaire.

Il est par ailleurs essentiel pour le dirigeant de protéger sa responsabilité personnelle. Une gestion défaillante, une absence de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans les délais ou une confusion entre patrimoine personnel et professionnel peuvent l’exposer à de lourdes sanctions. Le recours à un conseil juridique est, dans tous les cas, vivement conseillé.

Ajoutons que des dispositifs existent pour accompagner un entrepreneur en faillite vers de nouvelles aventures : formations, aides à la reconversion, dispositifs bancaires, etc. Un échec n’est pas une fin en soi, mais une invitation à se réinventer !

La meilleure option contre le dépôt de bilan reste la prévention : une gestion rigoureuse, une comptabilité tenue à jour, une stratégie prudente et un suivi régulier de la trésorerie sont les piliers d’une entreprise solide.

Se prémunir consiste également à éviter de subir les impayés de clients pouvant connaître une situation de faillite. Pour cela, souscrire une assurance-crédit entreprise est essentiel, et recourir à un professionnel de l’information d’entreprise permet de surveiller la santé financière des acteurs-clés de sa rentabilité !