Agroalimentaire

Asie-Pacifique
Risque élevé
Europe centrale et de l'est
Risque moyen
Amérique Latine
Risque moyen
Moyen-orient et Turquie
Risque élevé
Amérique du Nord
Risque moyen
Europe de l'Ouest
Risque élevé

Résumé

Points forts

  • Secteur relativement résilient aux conséquences de la crise sanitaire liée à la COVID-19 car besoins alimentaires peu compressibles
  • Niveau des stocks confortables pour l’ouverture de saison 2022/23 notamment concernant les céréales de base (blé, mais, etc.)

Points faibles

  • Secteur vulnérable à l’inflation des énergies et des intrants tels que les fertilisants (conséquence guerre en Ukraine)
  • Secteur très impacté par les tensions protectionnistes
  • Secteur très dépendant des aléas climatiques et biologiques, aggravés par l’augmentation de la fréquence de phénomènes extrêmes (épisodes caniculaires, inondations, feux, etc.)
  • Volatilité des cours des matières premières agricoles
  • Prévisions des niveaux de production à la baisse pour céréales sur la prochaine saison 2022/23

Evaluation des risques sectoriels

Le secteur agroalimentaire mondial a essuyé au cours de l’année écoulée plusieurs chocs – sanitaire, géopolitique ou encore climatique et biologique. Le secteur s’était montré résilient dans l’ensemble face aux conséquences de la crise sanitaire liée à la COVID-19 du fait de son caractère essentiel, et a tout de même largement bénéficié de la reprise économique mondiale en 2021. Cependant, il a été affaibli par l’intervention militaire russe en Ukraine (grand exportateur agricole), les diverses épizooties, et phénomènes climatiques extrêmes.

Le fléchissement de l’activité mondiale devrait confirmer cette tendance. L'indice FAO des prix alimentaires a atteint en mai sa valeur la plus élevée depuis septembre 2011. En effet, l’augmentation des cours de l’énergie et des fertilisants (Russie + Belarus – gros producteurs) a provoqué la flambée des prix des céréales et des huiles végétales, et, à moyen terme, des coûts de production agricoles sur l’ensemble de la chaîne de valeur agroalimentaire. Ainsi, les coûts de production de viande et de lait ont fortement augmenté au cours des 6 derniers mois, portés par l’envolée des prix des aliments fourragers.

Selon le 6ème rapport du GIEC, les phénomènes climatiques extrêmes se manifestent désormais à un rythme jamais vu depuis le début du XXème siècle et qui va s’accélérer avec le réchauffement de la planète. Aussi, les épisodes climatiques extrêmes devraient se répéter de plus en plus régulièrement – comme de fortes vagues de chaleur localisées, d’importantes inondations comme au Pakistan, des incendies de forêt, ou encore des phénomènes climatiques comme El Niño/La Niña. Ce dernier, caractérisé par de fortes variations de température dans le Pacifique sud, devrait repartir en novembre, portant principalement atteinte aux récoltes de maïs et soja argentines et brésiliennes. De plus, Coface s’attend à ce que les risques biologiques exercent des pressions à la baisse sur la production mondiale de produits agricoles cette année – récemment exacerbés par l’épidémie de la peste porcine africaine (PPA), qui continue de sévir en Europe et en Afrique, malgré sa quasi-disparition en Asie, ainsi que les conséquences de l’expansion de la chenille légionnaire d’automne et de l’invasion de criquets en Afrique.

Enfin, les difficultés du secteur agricole, conséquences de chocs conjoncturels particulièrement défavorables, poussent les instances européennes à retarder l’avancée d’initiatives « environnementales » à l’endroit de l’agriculture, alors que le ralentissement de la production de certaines céréales (maïs) et l’envolée des coûts de production menacent les approvisionnements en denrées alimentaires sur le continent et à travers le monde.

Perspectives économiques du secteur

Le secteur de l’agroalimentaire au niveau mondial est affaibli par les pressions inflationnistes et la contraction des échanges commerciaux

La forte demande, conjuguée à des dynamiques d’offre calibrées à la période de crise, a contribué à une hausse des prix mondiaux des produits alimentaires bien avant le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en Février 2022. L’abandon progressif des restrictions sanitaires dans la plupart des pays avait permis un fort rebond de la demande globale. La guerre en Ukraine a accentué la volatilité sur les cours des matières premières et les niveaux élevés des prix, notamment pour le blé, les céréales secondaires et les huiles végétales.

L’Ukraine est en effet un exportateur mondial de premier rang de céréales (16% des exportations mondiales de blé en 2019) et d’huiles végétales. Quant à la Russie, rapidement soumis à des mesures d’embargo, et son allié biélorusse, ils sont parmi les plus importants exportateurs mondiaux de fertilisants. L’affolement des marchés et les perspectives de pénuries ont conduit à un emballement inflationniste. Avec un prix du baril élevé, Coface estime que les cours du baril de Brent devraient avoisiner les 105 USD le baril en moyenne en 2022 (et des perspectives proches des 100 USD pour 2023), l'envolée des coûts de production (céréales, huiles végétales) de systèmes agro-industriels ‘énergivores’, mécanisés et dépendants d’intrants chimiques ont affecté toute la chaîne de valeur en aval. Ainsi, les prix internationaux des produits alimentaires de base ont fortement augmenté – l'Indice FAO est à des niveaux de prix largement supérieurs à 2021 (+11,4% en glissement annuel).

Ces tensions sur les prix alimentaires ont poussé certains pays à mettre en place des mesures protectionnistes (comme des restrictions/interdictions d'exportation) sur certaines matières premières, ajoutant ainsi aux tensions inflationnistes et d'approvisionnement. L’Inde, par exemple, préoccupée par les risques de sécurité alimentaire pesant sur une partie de sa population a restreint les exportations de blé (mi-mai 2022), puis de sucre (juin 2022), puis de riz (Septembre 2022). Enfin, les tensions sur le fret maritime mondial ajoutent un peu plus à la contraction des échanges et aux difficultés d'approvisionnement, notamment sur les denrées périssables contraignantes tels que fruits et légumes, la viande, etc.

Toutefois, la tendance s’inverse depuis le début du mois de juillet 2022. Sous l’effet d’un réajustement entre les prévisions des marchés (concomitantes à la situation en Ukraine) et les pénuries limitées géographiquement (principalement des pays très dépendants aux importations de céréales en provenance d’Ukraine), les cours des céréales et des huiles végétales ont globalement baissé. Si les effets du choc conjoncturel de l’intervention militaire russe en Ukraine semblent se dissiper, stoppant l’emballement inflationniste de ces 6 derniers mois, les niveaux de prix resteront à des niveaux historiquement hauts, porté par les cours du baril et des intrants chimiques élevés, et des niveaux de production de céréales qui stagnent globalement. L’ombre de pénuries alimentaires planent encore dans un certain nombre de pays et alimentent de fait les spéculations.

Les risques climatiques et biologiques, préexistants à la crise sanitaire liée à la COVID-19, demeurent et gagnent en intensité

Les phénomènes climatiques extrêmes, comme des fortes vagues de chaleur, des inondations (comme au Pakistan), les incendies de forêt, ou encore les phénomènes climatiques comme El Niño/La Niña se sont multipliés. Au moment où nous écrivons cette fiche, la circulation d’informations annonçant le retour de la Niña de novembre à janvier 2023 laisse craindre un impact sur les récoltes de maïs et soja argentines et brésiliennes avec des perspectives d’augmentation des prix, compte tenu du fait que ces deux pays sont parmi les principaux producteurs mondiaux de ces céréales.

Ensuite, l’intensité et la fréquence des épizooties accroissent les risques sur le segment de l’élevage mondial et sur la volatilité des prix. En effet, les occurrences d'épizooties de ces dernières années ont sérieusement affaibli les rendements du bétail – tel que, la grippe aviaire en Europe (46 M de volailles abattu au 1er semestre 2022) et la peste porcine africaine en Chine (240 millions de porcs entre 2018 et 2019). La Peste Porcine Africaine (PPA) s’est déclarée en Europe et en Asie pendant l’été 2018. L’Asie a été très affectée par la maladie qui s’est répandue dans la région, causant des ravages chez les producteurs de porc, tout particulièrement en Chine, qui représente 50 % de la production et de la consommation mondiale de porc. Depuis l’arrivée de la PPA en août 2018, le pays a perdu 40% de son cheptel de porc. Les conséquences sont perceptibles sur les importations de viande directement mais également sur le prix des céréales (notamment le maïs) et fourrages. Si le pays a retrouvé son niveau de cheptel d’avant épidémie de PPA, les autorités suivent de près ces évolutions, compte tenu des risques de forte propagation dans les structures d’élevage intensif et les dangers de la zoonose (porosité entre l'animal et l'homme dans la transmission de certains virus).

Outre ces épizooties, il faut noter deux risques biologiques importants pour le secteur agro?alimentaire : la chenille légionnaire d’automne (FAW pour Fall Armyworm) et le criquet. La FAW est une chenille qui se nourrit principalement de maïs, mais aussi de riz, de sorgho et de coton, entre autres. Elle a été détectée pour la première fois en Afrique de l’Ouest début 2016. La FAW a aujourd’hui atteint 44 pays, en Asie et en Afrique, mais aussi en Australie. La Chine est le deuxième plus grand producteur mondial de maïs, la présence de la FAW pourrait donc conduire à des pressions additionnelles inflationnistes sur les prix mondiaux du maïs (qui sera soumis à un ralentissement de production en 2022/23). L'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pilote un programme (500 millions USD, 2020-2022) pour coordonner la réponse à l’invasion de chenilles légionnaires d’automne partout dans le monde. Une invasion de criquets pèlerins est en cours notamment en Afrique de l’Est, sur la péninsule arabique, en Iran et au Pakistan.

La remise en cause des bonnes pratiques européennes en matière d’environnement et d’agriculture raisonnée alors même que les perspectives de récoltes invitent à maximiser les volumes produits

L’année 2022 a marqué le retour des craintes de crise alimentaire à grande échelle dans les économies émergentes – restrictions à l’export de l’Inde sur son riz, aliment de base de nombreux pays, en particulier en Asie et en Afrique où il est consommé par plus de 3 milliards de personnes – et de pénuries alimentaires dans les économies avancées. 2023 portera peu ou prou les mêmes inquiétudes, et pour preuve les prévisions de récoltes de maïs pessimistes dans l’hémisphère nord pour les moissons en cours. Alors qu’elle portait des initiatives d’agriculture raisonnée, la Commission européenne pourrait être contrainte de réviser ses projets. La baisse marquée de la production de maïs en Europe, les menaces de sécheresses estivales qui pourrait menacer les récoltes – de blé dans l’hémisphère nord et de maïs dans l’hémisphère sud – en 2023, et les pertes de rendements font planer le risque de pénurie d’approvisionnement en Europe et l’affaiblissement de l’ensemble de la chaîne de valeur agroalimentaire.

De même, les mesures douanières sur l’importation d’engrais pourraient être levées provisoirement afin d’alléger les coûts de production liés aux fertilisants importés. En effet, l’augmentation des prix des intrants chimiques a pesé sur la saison 2021/22 et compromis une production suffisante (ex : maïs), dans un contexte d’inflation globale. Toute action favorable à lutter contre l’augmentation des prix à la consommation sur les produits alimentaires est accueillie favorablement au niveau des Etats.

Aussi, alors même que les phénomènes climatiques extrêmes ont marqué l’année 2022, et devraient se manifester de nouveau en 2023, les instances européennes, en réponse à la conjoncture géoéconomique, freinent (provisoirement) leur initiatives « environnementales » à l’endroit de l’agriculture.

Auteurs et experts

La menace El Niño pèse sur l'agriculture mondiale

Le phénomène météorologique El Niño, qui devrait faire son retour au 2 eme semestre 2023, devrait amplifier les effets du changement climatique. La région indopacifique devrait ainsi connaître de forts épisodes de chaleurs et de sécheresse à partir du 4 e trimestre de l’année et l’impact d’El Niño sur le secteur agricole sera particulièrement visible en 2024, les rendements des commodités étant fortement dépendants des conditions météorologiques (chaleur, pluviométrie).

Les commodités agricoles sous pression

Alors que les perspectives économiques mondiales demeurent incertaines et étroitement liées à l’évolution de l’inflation et aux décisions de politiques monétaires des banques centrales,nos inquiétudes sur les commodités agricoles se ont été confortées au cours du T2 2023.

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