Pouvoir compter sur une procédure de recouvrement efficace et, par extension, sur une gestion saine des créances impayés est un objectif majeur pour toute entreprise. Un défi de taille à l’heure où les délais de paiement s’allongent, les défaillances augmentent, et les impayés se multiplient. Voici nos conseils pour maîtriser ce levier et en faire une arme redoutable contre les impayés.
Parce que chaque retard ou absence de paiement fragilise directement la trésorerie et peut compromettre la pérennité d’une entreprise, tout responsable financier doit maîtriser et être en mesure d’actionner rapidement une procédure de recouvrement adaptée pour obtenir le paiement des sommes dues, tout en limitant les impacts juridiques et commerciaux.
Au-delà d'une simple démarche administrative, la procédure de recouvrement est un levier stratégique de la gestion du risque client, associant prévention, dialogue amiable et, le cas échéant, procédures judiciaires structurées. Connaître les différentes phases et démarches pour déclencher une procédure de recouvrement, respecter les délais, suivre les bonnes étapes, anticiper et mobiliser les ressources adéquates, actionner les bons outils et acteurs, sont des notions essentielles à maîtriser et que nous allons clarifier ici.
Qu’est-ce qu’une procédure de recouvrement ?
La procédure de recouvrement comprend l’ensemble des démarches entreprises par un créancier pour obtenir le règlement d’une somme qui lui est due par un débiteur. Cette créance peut avoir pour origine un contrat commercial, une prestation de service, un loyer ou une reconnaissance de dette.
5 ans pour recouvrer une créance
Attention, en France, une créance devient prescrite (forclusion) au bout de 5 ans, renforçant l’importance d’agir rapidement pour préserver ses droits.
Les procédures de recouvrement de créances débutent toujours par une phase de recouvrement amiable, sans intervention du juge, qui repose sur la négociation. Il convient alors d’en conserver des traces : mises en demeure de payer et autres lettres recommandées, emails échangés, ainsi que tous les éléments prouvant l’existence de la dette (facture, contrat commercial, etc.) et sa reconnaissance effective par le débiteur (emails indiquant qu’il prévoit de s’acquitter du montant dû par exemple). Ces éléments s’avèreront utiles en cas d’échec du recouvrement amiable.
La seconde possibilité à mettre en place alors est le recouvrement judiciaire, qui nécessite de pouvoir prouver l’existence de la dette et d’apporter les preuves des tentatives de recouvrement amiable – les mises en demeure étant les plus importantes. Le recouvrement judiciaire vise à l’obtention d’un titre exécutoire visant à recourir à des mesures d’exécution forcée, en premier lieu l’injonction de payer qui permet de missionner un commissaire de justice pour la prise en charge du recouvrement.
3 caractéristiques de la créance pour le recouvrement judiciaire
- Pour pouvoir faire l’objet d’un recouvrement judiciaire, une créance doit être :
- Certaine : son existence ne peut être contestée à juste titre par le débiteur ;
- Liquide : son montant financier doit être précisément déterminé ;
- Exigible : le délai prévu pour son paiement doit être dépassé.
Notons enfin qu’une procédure de recouvrement peut être menée par le créancier par différents biais : en mobilisant son équipe interne, ou en confiant sa créance impayée à un professionnel du recouvrement. Dans le premier cas, le responsable financier de l’entreprise devra piloter un véritable arsenal juridique et opérationnel, alliant prévention et dialogue, pour assurer la bonne réalisation de cette mission essentielle à la survie de toute entreprise.
Les 3 étapes du recouvrement amiable
Avant d’engager une procédure contentieuse, une résolution amiable est fortement conseillée. Cette phase présente plusieurs avantages : elle est rapide, peu coûteuse, et permet le plus souvent de préserver la relation commerciale avec un client débiteur.
1- Effectuer des relances simples
Dès le premier jour de retard, des relances par email, courrier ou téléphone peuvent s’avérer efficace. Un suivi structuré (tableau de bord, DSO) aide à prévenir les dérives. Important : l’ensemble des démarches doivent être consignées pour constituer un dossier solide en cas de contentieux.
2- L’envoi de mises en demeure
Si les relances restent sans effet, une mise en demeure doit être envoyée, par le biais d’un courrier recommandé avec accusé de réception, exigeant le règlement sous un délai précis (et raisonnable), allant généralement de 8 à 15 jours.
L’envoi de mises en demeure constitue un préalable indispensable à toute action judiciaire et doit comporter des formulations précises. Pour appuyer son effet, il est possible d’en confier la rédaction et l’envoi à des professionnels comme des avocats, cabinets de recouvrement ou des commissaires de justice.
3- L’intervention d’un tiers
En cas d’échec et avant tout recours par voie judiciaire, l’entreprise peut s’adjoindre les services d’une société de recouvrement spécialisée, qui agira en son nom ou pour son compte. Cette société est alors missionnée pour effectuer des relances professionnelles et négocier avec le débiteur un règlement à l’amiable, via un échéancier le plus souvent.
La procédure simplifiée de recouvrement de petites créances
Pour les créances dont le montant n’excède pas 5 000 €, l’entreprise a la possibilité d’engager une procédure simplifiée de recouvrement. La créance doit avoir une cause contractuelle ou résulter d'une obligation de caractère statutaire (créances dues aux organismes sociaux, à l’URSSAF, etc.) et à l’instar du recouvrement judiciaire, doit être certaine, liquide et exigible.
Le procédé implique le recours à un commissaire de justice, lequel contacte le débiteur pour lui proposer de participer à cette procédure simplifiée de recouvrement. Le débiteur peut alors accepter en répondant sous un mois, et œuvrer à l’élaboration d’un accord de recouvrement avec le commissaire de justice. En l’absence de réponse ou d’accord amiable, la procédure prend fin.
Bon à savoir : privilégiez l’amiable…mais pas indéfiniment !
La phase amiable n’a pas de durée légale définie. Toutefois, il est conseillé de ne pas la prolonger indéfiniment, sous peine de laisser s’écouler les délais de prescription (5 ans pour les créances commerciales) ou de voir la situation du mauvais payeur se dégrader jusqu’à la cessation de paiement.
Quand passer au recouvrement judiciaire ?
Lorsque les démarches amiables échouent ou que le débiteur conteste la dette, la procédure judiciaire de recouvrement est à envisager. Seule l’obtention d’un titre exécutoire (valable 10 ans et renouvelable) autorise en effet le recours à des actions contraignantes comme une saisie bancaire, une saisie des biens ou une saisie sur rémunération, par le biais d’un commissaire de justice. Il existe trois solutions de recouvrement relevant de la procédure judiciaire :
1- L’injonction de payer
Adaptée aux créances non contestées, l’injonction de payer est une procédure rapide et peu coûteuse, qui aboutit souvent en quelques semaines. Elle ne nécessite aucune audience devant le Tribunal compétent, ni l’assistance d’un avocat. En revanche, l’injonction de payer exige la constitution d’un dossier fourni et précis contenant les preuves de l’existence de la créance et des démarches effectuées pour tenter de la recouvrer : factures, contrats, preuves de relances, etc. La créance doit par ailleurs être issue d’un contrat, d’une obligation à caractère statutaire ou d’un acte de commerce (lettre de change, un billet à ordre ou une cession de créance professionnelle comme le bordereau Dailly).
Après examen des éléments, le juge décide (ou non) de rendre une ordonnance portant l’injonction de payer, laquelle permet de procéder à une saisie d’huissier si nécessaire. Dans les faits, un délai moyen d’un à deux mois est requis pour obtenir l’injonction de payer et si le débiteur ne s’y oppose pas, elle devient exécutoire sous un mois.
2- L’assignation en référé-provision
L’assignation en référé-provision vise à réclamer au juge une provision, donc une somme d’argent destinée à recouvrer le paiement de la créance. C’est une procédure d’urgence, utilisée lorsque le créancier estime qu’il y a un risque de cessation de paiement du débiteur. Elle est adaptée aux créances peu contestables, même si elles ne sont pas immédiatement exigibles.
3- L’assignation au fond
Cette procédure plus longue est adaptée aux situations contentieuses complexes, et intervient souvent lorsque les montants sont élevés et que les autres options ont échoué – lorsque le débiteur conteste la dette notamment. Elle donne lieu à un procès classique, avec un rendu de jugement après confrontation des parties. Le recours à un commissaire de justice est obligatoire, et des dommages et intérêts peuvent être réclamés.
Quel recours en cas de litige avec un partenaire commercial européen ?
Il existe une procédure d'injonction de payer européenne (IPE), applicable aux seuls litiges transfrontaliers, c'est-à-dire qu’au moins l’une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de l'Union Européenne (à l'exception du Danemark) autre que l'État membre de la juridiction saisie. Cette procédure vise le recouvrement de créances contractuelles pécuniaires, liquides et exigibles à la date à laquelle la demande est introduite.
La compétence juridictionnelle pour délivrer une IPE est en principe celle de l'Etat membre où le défendeur a son domicile (ou son siège social pour les personnes morales).
Les acteurs du recouvrement de créances
Une procédure de recouvrement peut ainsi faire intervenir différents acteurs, impliqués dans la relation commerciale ou intervenant en appui au demandeur.
Le créancier
C’est l’entreprise ou la personne physique qui détient une créance impayée et peut agir directement ou mandater un tiers en vue de la recouvrer.
Le débiteur
Il est la partie redevable de la créance, mais garde la possibilité de la contester s’il estime ne pas en être redevable. Dans le cas contraire, il peut proposer un règlement amiable (échelonné ou non) ou être contraint judiciairement à payer les sommes dues.
Le commissaire de justice
Il intervient pour signifier les actes, exécuter les décisions judiciaires, pratiquer des saisies ou établir des constats.
L’avocat
Indispensable dans les procédures complexes ou lorsque le tribunal de commerce est saisi, il conseille sur la stratégie à adopter, la juridiction compétente, et représente le créancier devant le juge.
La société de recouvrement
Elle prend en charge le processus de relance et de négociation. Sa rémunération est généralement calculée au succès, ce qui limite le risque financier.
Pourquoi est-il important de faire appel à un avocat ?
En sus de son accompagnement pour la rédaction des courriers et la négociation avec le débiteur, un avocat spécialisé en recouvrement de créances apporte une double valeur ajoutée :
- Il maîtrise les rouages du contentieux commercial et anticipe les objections du débiteur.
- Il évalue les chances de succès d’une procédure judiciaire selon la nature de la créance, la situation du débiteur et le tribunal compétent.
Notons également que l’intervention d’un avocat est obligatoire devant le Tribunal judiciaire ou le Tribunal de commerce pour une assignation au fond, si le montant de la créance dépasse 10 000 €.
Prévenir les impayés : quelques bonnes pratiques
Le meilleur recouvrement est celui qui nécessite la seule émission de la facture. Pour éviter le non-paiement et d’avoir à engager des démarches plus contraignantes, voici quelques pratiques à mettre en œuvre :
- Analyser la solvabilité de ses clients en amont. Des experts du risque commercial proposent des services d’information d’entreprise évitant d’avoir à mener des recherches et d’évaluer la santé financière de ses partenaires commerciaux par soi-même.
- Émettre rapidement les factures, avec des conditions de paiement claires et négociées à l’avance avec le partenaire commercial.
- Fixer des pénalités de retard, conformes au taux légal, pour inciter au respect des délais.
- Mettre en place des garanties : cautions, assurance-crédit, cession de créance, etc.
FAQ – Vos questions fréquentes sur la procédure de recouvrement
Quelle est la procédure pour recouvrer un impayé ?
Démarrez par des relances pour factures impayées, puis adressez une mise en demeure. En cas d’échec, déposez une requête en injonction de payer ou engagez une assignation devant le tribunal compétent.
Comment contester une procédure de recouvrement ?
Le débiteur peut formuler une opposition motivée devant le juge, prouver un paiement ou invoquer l’absence d’exigibilité.
Quelles sont les procédures de recouvrement de l’impôt ?
Elles relèvent du contentieux fiscal : le Trésor Public peut recourir à des titres exécutoires, sans passer par le juge, pour les créances fiscales.
Comment bloquer une procédure de recouvrement ?
Par la voie de la négociation, une contestation légale, ou un plan de règlement validé par le créancier (voire homologué par un juge).
Quelles sont les conséquences d’un recouvrement judiciaire ?
Il peut entraîner une saisie, une dégradation de la cote financière, voire une procédure collective en cas d’insolvabilité.
Gardez toujours à l’esprit que la prévention reste la meilleure arme contre les impayés : structurer la gestion du poste client en amont permet de limiter les recours aux actions contentieuses.